Un adolescent de 14 ans et sa blessure émotive

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Trouvé sur Google.

Aujourd’hui, je veux vous parler d’une situation dont je fus témoin durant mes vacances et qui m’a fait de la peine.

Une des familles qui s’était installées sur la plage près de nous avait deux enfants. Le plus vieux, 14 ans et le plus jeune 4 ans. Le premier était fils de l’homme du couple et le plus jeune de la femme.  Ce qui veut dire que notre ado était en vacances avec papa et sa nouvelle conjointe.

Pourquoi je vous raconte cela? Vous allez comprendre vite.

Tout l’après-midi, l’adolescent s’est amusé tout seul sur le bord de l’eau à ramasser des « tétards » et à leur construire un genre de petit village. Pas d’amis de son âge. J’ai failli dire aux parents que leur fils était vraiment un adorable jeune homme (si je compare à d’autres jeunes de son âge). Jamais un geste ou une parole blessante. Mais… quand il demandait à son père, quand il appelait son père, ce dernier ne répondait pas. Ou lui disait: « J’ai pas le temps ».

Par contre, le petit de 4 ans recevait toute l’attention des deux parents notamment de son père.

La conjointe n’a jamais adressé la parole au jeune de 14 ans sauf à la fin pour le semoncer parce qu’il avait jeté un seau d’eau sur la tête du petit. Bon! J’avoue que ce n’était pas brillant. Mais c’est le seul geste qu’il a posé de toute la journée.

Etait-ce pour se venger du petit qui avait passé de longues minutes dans les bras de son papa alors que lui était ignoré?

Une chose est certaine: après s’être fait engueulé par son père et la blonde de celui-ci, le jeune homme est parti vers le chalet, tête basse, épaules rentrées et silencieux, blessé intérieurement.

 

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Trouvé sur Google.

J’ai eu mal pour lui. J’ai eu du chagrin pour lui.

Et j’ai pensé comme ma soeur Colette, psychologue qui disait: Parfois, ce sont les parents qui devraient être dans mon bureau… pas l’enfant »!

Je me suis associée à la peine de ce jeune, à sa blessure. Parce que s’il fait ce qu’il doit faire, s’il est sage, qu’il ne dérange personne, alors personne ne s’occupe de lui. Personne ne lui prête attention.

Pour que quelqu’un, n’importe qui mais surtout pour que son père prenne conscience qu’il existe, qu’il se rende compte qu’il est là: Il a fait un « coup »… il a jeté un seau d’eau sablonneuse sur la tête du petit ange de 4 ans afin qu’on le remarque LUI.

Voilà.

Aux familles reconstituées: Ne négligez pas l’un de vos enfants parce qu’il est sage, parce qu’il est doux, parce qu’il est l’enfant de l’autre. Vous vous ménagez de bien gros problèmes si ce jeune-là décide de vous faire la vie dure pour qu’enfin vous réalisiez qu’il existe.

(J’ai mes torts moi aussi, n’en doutez pas!)

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(Stock Video # 231-307-398)

Les « rides » de char!

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Vous souvenez-vous des randonnées en auto quand vous étiez enfant?  Quand toute la famille prenait la route pour un « nowhere », pour Pointe-Calumet, les plages voisines, ou encore visiter mononc’ et matante dans le Bas-du-fleuve? Ou peut-être dans votre cas était-ce le chemin contraire:  vous partiez de Trois-Pistoles ou d’Alma pour venir dans la grande ville?

C’était chaque été un rituel.  Durant les vacances de la construction, nous partions. Papa et maman en avant. Les enfants derrière, assis bien sagement durant la première partie du voyage au moins.

Après nous avoir laissé écouter la radio qui diffusait nos succès préférés,  papa baissait le son et quelques minutes plus tard, il chantait les premières notes d’une toune folklorique que nous connaissions tous.  Il en profitait pour nous distraire en entonnant des airs de la « Bonne chanson »,  à partir de Rosemont jusqu’à Saint-Antonin (Rivière-du-Loup):  « Sur la route de Berthier », « Le petit voilier », « Quand le soleil dit bonjour aux montagnes » ou encore, « Le frigidaire » faisaient partie de notre répertoire, à coup sûr! 

Les chansons de l’émission Jeunesse d’aujourd’hui y passaient aussi:  « La poupée qui fait non », « C’est le temps des vacances » ou encore « Quand le film est triste ». Tour à tour, nous chantions une vieille chanson française ou une complainte québécoise et le voyage nous paraissait plus court.

Bien sûr, malgré les jeux de devinettes, les historiettes drôles et autres trucs que nos parents trouvaient pour nous occuper, il fallait parfois nous ramener à l’ordre car nous finissions par nous chamailler et il arrivait que papa excédé, menace de stopper l’auto et de nous laisser sur le bord du chemin.  

Nous savions bien qu’il ne ferait jamais cela mais… comme un doute planait, nous nous calmions pour un temps.

Toutefois, quand papa prenait un air préoccupé ou découragé, nous savions qu’il ne fallait pas pousser plus loin nos incartades.

Il arrivait que nous stoppions pour une frite sur le bord du chemin ou pour une crème glacée.  Nous étions en vacances et c’était les plus beaux moments de nos jeunes vies.   Nous remontions dans l’auto et les airs de « La bonne chanson » reprenaient.  

Parfois, nous nous étonnions du nom d’un village.  « Saint-Louis-du-Ha! Ha! » par exemple.  Mon père nous racontait une histoire qui ressemblait à une légende et nous éclations de rire:  il nous faisait accroire qu’un des fondateurs de la place était monté au sommet d’une « montagne » et quand il avait vu le fleuve d’un côté et le Lac Témiscouata de l’autre… il s’était écrié « Ha! Ha »!  Je n’ai jamais su si c’était vrai.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Louis-du-Ha!_Ha!

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St-Louis-du-Ha! Ha!

Ah les plaisirs de voyager, de contempler notre beau Québec, ses arbres, ses lacs, ses rivières, ses chemins asphaltés qui se déroulaient comme un long ruban gris du sud au nord, de l’est à l’ouest!  La beauté simple de nos villages, les clochers au loin qui annonçaient que nous approchions de Ste-Anne-de-la-Pocatière, de Notre-Dame-du-Portage,   de Ste-Rose-du-Dégelis (un autre village dont mon père avait inventé une légende).

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Une vue du Lac Témiscouata

 

J’ai de si beaux souvenirs de ces moments, de ces voyages.

Quand enfin nous arrivions à destination, la grand-mère qui nous recevait les bras ouverts, avec son tablier fleuri.  Ca sentait bon la bonne nourriture de chez nous.  

Nous étions traités comme des rois.

Que du bonheur!

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Une Ford Fairlane 1965

La poupée, Woolworth et moi

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Une autre fois chez Woolworth…  Dans la vitrine de Woolworth, j’ai vu la plus magnifique poupée au monde.

En fait, il y en avait deux. Deux soeurs.  L’une était blonde avec de jolies nattes, une robe rouge et un tablier blanc.  L’autre avait les cheveux blancs (platine) toujours avec de jolies tresses, une robe bleu et le même tablier blanc.

Mon coeur de petite fille s’est emballé.  Déjà dans ma petite tête, j’ai décidé que la blonde irait à ma soeur Diane.  Et que celle qui était si différente, si pas comme les autres poupées, celle aux cheveux blancs, c’était MA poupée.

Je savais déjà à 8-9 ans que nous étions pauvres et que de demander à maman de m’acheter une poupée c’était ÉNORME.

J’ai un jour pris mon courage à deux mains et après être passée et repassée devant la fameuse vitrine où je ne voyais plus que ma poupée de rêve, j’ai osé en parler à ma mère.

Plus tard, je ne sais plus quand (les enfants ont tellement une notion du temps élastique vers l’infini!) maman est arrivée avec des présents pour tous les enfants. Elle avait dû se priver comme c’est pas possible.

J’ai eu ma jolie poupée, ma soeur a eu la sienne, il y a eu un jouet pour Nicole et un camion pour mon frère André.

J’étais si heureuse.  J’en prenais soin comme d’un trésor car c’était ma première poupée neuve, une qui n’avait pas les cheveux collés sur le crâne  mais implantés.

Je ne défaisais pas ses tresses pour ne pas l’abîmer.  Je la berçais et lui confiais mes petits secrets. Elle était ma confidente, je la couchais sur mon lit et lui parlais, longtemps.

Maman, parfois nous emmenait au comptoir restaurant de Woolworth où elle nous payait un hot dog ou un dessert.  J’aurais voulu apporter ma poupée mais cela ne se faisait pas.

 

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Un jour, mon petit frère a décidé de jouer avec des ciseaux. Dieu seul sait comment il a pu se les approprier.  Mais il a rasé les cheveux de nos deux poupées.  J’ai tellement pleuré.  J’étais si déçue.

Ma soeur, je ne sais pas.  Elle n’en a jamais parlé sauf pour rire de cette histoire des années plus tard.

Woolworth, je pensais que c’était le paradis quand j’étais petite!

Orange en anglais c’est « Orange »!

Woolworth

Vers 1958, j’habitais dans le bout des rues St-Urbain et Ste-Catherine, à Montréal. Quand je me hasardais  sur la Catherine, de l’autre coté, me faisant face et s’étendant d’un coin de rue à l’autre, il y avait le paradis de la petite fille que j’étais:  le « Woolworth ».

Un jour, mon grand-papa maternel, Napoléon Pauzé m’a emmenée au Woolworth, nous avons abouti devant le rayon des livres d’enfants et des livres à colorier.  Le tout en anglais bien sûr dans un quartier pauvre et ouvrier francophone. M’enfin!

Donc, grand-père, que tout le monde appelait « Polion » m’a demandé si je désirais quelque chose.  J’ai dû lui montrer un cahier à colorier.  Nous l’avons feuilleté.  J’étais fascinée devant les belles grosses images qui m’invitaient déjà à leur ajouter de la couleur de crayons de cire.

Alors, j’ai dit à grand-papa:  Pourquoi c’est écrit comme ça?  J’comprends pas!  C’est pas du français ça!

« Non, ma belle.  C’est de l’anglais. »

J’ai dû faire la moue car alors il a rajouté:  « Tu sais, c’est pas difficile l’anglais.  Je vais te montrer.  Tu vois ce dessin? »

« Oui. »

« Qu’est-ce que c’est? »

« Ben, c’t’une orange! »

« As-tu vu le mot en dessous? »

Et alors, mon visage s’est illuminé:  « Orange!  Ben eille! c’est pareil »

Grand-papa a alors prononcé le mot à l’anglaise et j’ai alors adopté l’idée que ce serait facile d’apprendre cette langue qui m’était étrangère.

Plus tard, il m’a dit qu’un jour, si je voulais avoir une « bonne job », il me faudrait parler anglais.

Je ne me souviens pas lui avoir demandé pourquoi.

Et c’est ainsi qu’au Québec, en 1958, une petite fille de 7 ans a compris que l’anglais était supérieur au français.  Que sa langue n’était pas la langue la plus importante.

Aujourd’hui, je suis bilingue.  Je suis contente car j’ai une facilité pour apprendre les langues.

J’ai eu de très bons emplois pour une  « damn french canadien girl ».  Mais, j’ai un amour fou, irraisonné pour ma langue maternelle.

Vive le Québec libre.

L’ordre dans le désordre

cabane a sucre 1991 3

 

Tantôt, sur Facebook, un ami me disait que j’écrivais bien et où donc me cachais-je durant tout ce temps?

Il y a longtemps que je veux écrire sur toutes sortes de sujets m’ayant préoccupée, affectée, transformée, sur ma vie un peu particulière.

Je m’étais fait un schéma rigide de ce que devrait être ma « biographie », mon blogue racontant mon histoire.  Il fallait que ce soit chronologique!  Comme j’aime l’ordre et la méthode et que je n’imagine pas mon intérieur, ma maison sans règles précises (sans être maniaque tout de même!), je ne pouvais concevoir écrire sans des paramètres clairs, balisés. Alors, cette barrière, cette limite que je m’étais imposée m’empêchait d’avancer, de commencer  à écrire.

En bon québécois, j’avais la « chienne ».

Puis, une idée s’est formée lentement, toute petite, insignifiante;  laquelle a fini par faire son nid dans un coin de mon cerveau.

Pourquoi ne pas écrire à partir d’idées, d’impressions, de sujets, d’expériences, sans ordre nécessairement, de façon éparse, sans ligne chronologique directe? Un peu comme lorsqu’on lance les dés sur la table à cartes.

Cette façon d’appréhender l’écriture me semble plus vivante, plus collée à qui je suis réellement.

Je n’utiliserai pas de belles phrases dignes de l’Académie française.  Je parlerai ma langue, la langue de mes ancêtres, ce français québécois qui fait tant sourire nos cousins de France et se moquer ceux qui cherchent des prétextes pour nous diminuer, pour rire de nous… parce qu’ils ont peur de notre résistance, de notre résilience de plus de 400 ans.

Alors, voilà, un blogue.  Mon blogue.  Il commence maintenant, aujourd’hui. 

Je vais mieux le nourrir que le précédent.  Celui où j’avais commencé en suivant une toile rigide.

Qui m’aime me suive!